vendredi 1 juin 2018

Champ d'étoiles


J’aime les outils anciens, surtout ceux qui ont un lien avec la terre et les forêts comme ceux des agriculteurs, des vignerons, des éleveurs et des menuisiers.
Emblême des cultivateurs et des agronomes, dont je suis, une simple charrue m’enchante. Elle est le fruit de l’intelligence humaine qui n’a cessé de la perfectionner au cours des siècles pour l’aider à faire reculer la faim et la misère.
Voici l’une de nos charrues. C’est un ancien modèle, de ceux que l’on utilisait attelés à un cheval ou à des bœufs. Quand je la regarde j’ai une pensée pour le forgeron qui l’a fabriquée et pour tous ceux qui l’ont utilisée pour nourrir les hommes. Je n’ai pas connu ces gens, mais j’ai un profond respect pour eux et pour tous ceux qui, sur notre planète, font encore ce travail noble mais harassant.
Cette charrue de fer me parle aussi de son origine : le cœur des étoiles massivesEn effet, seules les étoiles géantes ont assez de gaz et d’énergie pour synthétiser en fin de vie les éléments chimiques aussi lourds que le fer, et puis plus lourds encore lors de leur explosion. C’est donc dans ces fournaises, à des milliards de kilomètres que ce bout de fer a été créé puis a traversé l’Univers pour venir constituer le cœur de notre planète et se cacher dans les roches de la croute terrestre où des milliards d’années après des hommes sont allés le chercher pour le modeler.
De nos jours le labourage n’est plus à la mode. On lui reproche notamment de conduire à une forte émission de dioxyde de carbone par oxydation du carbone stocké dans les sols. Phénomène à éviter pour limiter le réchauffement climatique. Moins pour cette raison que pour éviter le coût des labours, les agriculteurs de nombreuses régions céréalières du globe font maintenant du semis direct, sans labour. Mais attention aux solutions « miracles » car la culture en semis direct impose généralement l’utilisation de plus de produits chimiques pour « nettoyer » les sols et limiter la pousse de mauvaises herbes concurrentes et l’infestation des cultures par des pathogènes divers. Or ces produits chimiques d’une part polluent et d’autre part nécessitent de l’énergie pour être synthétisés puis épendus, et donc conduisent aussi à des émissions de dioxyde de carbone…
Je viens de repasser une couche de peinture antirouille, voici la charrue repartie pour dix ans. Elle ne fend plus le sol mais me parle des hommes, de la terre et des étoiles, tous les jours, quand je passe devant.

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